LA RUE PARLE
Non, Nicolas Sarkozy n'aura pas cette rue-là en face de lui. Le jeudi 18 octobre prochain, la rue va parler !
Le volontarisme de Nicolas Sarkozy à l'épreuve de la rue
PARIS (Reuters) - La volonté affichée par Nicolas Sarkozy et François Fillon de réformer le système social français à marche forcée sera mise à l'épreuve dans la rue pour la première fois cette semaine.
Les syndicats de cheminots, de la RATP à Paris, d'EDF, de GDF et de fonctionnaires ont lancé un appel à la grève jeudi pour défendre les régimes spéciaux de retraite, qui concernent environ 1,6 million de personnes, principalement à EDF, GDF, à la SNCF et la RATP.
Le président de la République et le Premier ministre se préparent avec une relative sérénité à cette journée, qui sera aussi un test de la capacité de mobilisation des syndicats.
Samedi, le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant et le Premier ministre François Fillon ont exclu tout recul. "Il n'y aura pas de recul possible", dit Claude Guéant dans Le Monde de samedi, ajoutant que le chef de l'Etat était "dans une logique d'aboutir".
Dans la Sarthe samedi, le Premier ministre François Fillon a exclu que le pays puisse être paralysé comme en 1995 par les grèves, qui avaient poussé alors à l'abandon de la réforme : "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve".
Selon plusieurs sondages, l'alignement des régimes spéciaux de retraite sur le régime général de la fonction publique est populaire auprès d'une majorité de Français.
Selon un de ses récents visiteurs à l'Elysée, Nicolas Sarkozy paraît surtout craindre les effets dans l'opinion d'une grève massivement suivie dans les transports publics, alors que la nouvelle législation sur le service minimum n'entrera en vigueur qu'au début de l'an prochain.
Depuis la confirmation de son intention d'en finir avec les régimes spéciaux de retraite, Nicolas Sarkozy s'est efforcé de désamorcer le mouvement et prôné la concertation.
Il a cependant posé les limites du dialogue et de la négociation : "Je ne transigerai ni sur les objectifs ni sur les principes. dialogue social ne doit pas être un alibi à l'inaction", a-t-il prévenu le 18 septembre.
PROMESSE DE CAMPAGNE
L'alignement des régimes spéciaux de retraite sur celui de la fonction publique, une promesse de campagne, repose selon lui sur "un principe d'équité et d'égalité".
Le document d'orientation soumis aux syndicats propose d'allonger progressivement la durée de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans d'ici à 2012. Nicolas Sarkozy entend boucler la réforme avant la fin de l'année.
"Je dis aux cheminots, aux électriciens, aux gaziers (...) que je les respecte, que je considère qu'il ne s'agit nullement de les désigner ou de monter la société française contre eux. Il s'agit, au nom de l'équité, d'amener tout le monde dans les mêmes conditions", n'a-t-il cessé d'expliquer.
Quelque 1,1 million de retraités et 500.000 cotisants sont assujettis à des régimes spéciaux, soit un peu plus de 6% des pensions versées chaque année.
Aiguillonné par François Fillon, l'artisan de la réforme des retraites de 2003, Nicolas Sarkozy sait aussi pouvoir compter sur l'assentiment atone de l'opinion publique, qui dit aujourd'hui "oui" à la réforme après le "non" retentissant de décembre 1995.
Selon le baromètre mensuel BVA-BFM-Les Echos-The Phone House, 53% des Français jugent injustifiée la mobilisation du 18 octobre, du jamais vu pour une population historiquement encline à la "grève par procuration".
LA RÉFORME "DANS LES ESPRITS"
Pour le Premier ministre, "la véritable réforme commence d'abord dans les esprits" et les esprits, assure-t-il, sont mûrs. Ainsi la piqûre de rappel qu'il avait adressée le 9 septembre tout autant à l'Elysée qu'aux syndicats en affirmant que la réforme était "prête".
"Je ne crains pas les réformes", assène-t-il.
Si la ténacité du nouvel exécutif rencontre un écho favorable auprès de l'opinion, sa stratégie en est-elle pour autant validée ? Là réside le véritable risque, au-delà des démonstrations de force syndicales.
Le même sondage BVA-BFM-les Echos montre que la politique sociale de Nicolas Sarkozy commence à susciter des doutes.
Soixante-six pour cent des personnes interrogées jugent que des réformes concomitantes et à marche forcée - régimes spéciaux, contrat de travail, fusion ANPE-Unedic - peuvent être dangereuses socialement. La popularité de la politique économique du gouvernement chute elle de sept points en un mois à 50% d'opinions favorables.
Or les analystes politiques jugent Nicolas Sarkozy condamné à la logique de mouvement qu'il s'est lui-même imposé.
"Il ne peut pas laisser tomber le rythme des réformes", estimait la semaine dernière le directeur de l'institut CSA, Roland Cayrol. "Il ne peut pas y avoir de vraie pause avant les (élections) municipales (de mars 2008). Il n'a pas le choix parce que c'est là-dessus que repose sa popularité", estimait pour sa part Jean-François Doridot, de l'institut Ipsos.
Là est sans doute le véritable enjeu de la journée de jeudi prochain.
2 commentaires:
Il faut tout de même rappeler qu'en 95, comme en 2003, les Français ont commencé par soutenir les réformes gouvernementales pour ensuite être du coté des manifestants.
En plus, je pressent la montée de quelque chose d'irrationnel chez les Français. Certes, ils ne sont peut-être pas mécontents que l'on s'attaque aux fonctionnaires, aux immigrés, aux pauvres, mais ils n'oublient pas non plus qui sont les principaux bénéficiaires de la politique de Sarkozy : les riches. Et s'il y a quelque chose dont les Français ont horreur, c'est de l'injustice, ou du sentiment d'injustice.
Mon sentiment ne repose que sur des suppositions, mais je ne pense pas me tromper. Si la grève à la SNCF dure, toutes les peurs françaises vont resurgir, et je crois bien que l'automne pourrait être très chaud.
Mais... j'espère bien qu'il sera chaud !
Cependant, je ne suis pas si sure que les Français soient si conscients de ces injustices. Il leur faut encore un peu de temps.
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