samedi 28 juillet 2007

REVUE DE PRESSE AFRICAINE

L’injure !

Par Bacary Domingo MANE | SUD QUOTIDIEN | vendredi 27 juillet 2007

Toujours égal à lui-même : la démesure. La langue de bois, ce n’est pas son truc. Il n’aime pas le « mensonge », encore moins « l’hypocrisie », surtout quand le sujet de discussion tourne autour de l’immigration. Il la vit comme un refoulement. Et la Courneuve dont il avait pour mission de « nettoyer », en dit long sur son rapport à l’immigration. Vocabulaire volontairement outrancier, une métaphore dangereuse qui a assimilé les habitants de ce quartier à des saletés, des ordures. Certainement, la Courneuve rappelle l’immigration. Or, Sarkozy est allergique à l’immigration, qu’elle soit subie ou choisie. Pardon Freud, d’avoir prêté attention aux bourdonnements du divan. Qu’importe, il est devenu président de la France. La fin justifie les moyens ! Avec les compliments du Florentin.

Sarko est d’une franchise légendaire. Et pour s’en convaincre, il faut le trouver dans l’univers de la politique-spectacle. Il a du flaire et sait surfer sur les attentes des populations. Il est « franc, comme le président Wade ». Ce n’est pas moi qui le dit. Avec ce bel hommage, je parie que les Sénégalais qui dorment les pieds dans l’eau dans la banlieue dakaroise vous seront très reconnaissants. Et s’ils avaient la chance de leur vie de vous approcher, ils ne manqueraient pas de vous chantonner à l’oreille : « Sarko Dolli gnou ! » (Sarko, le peuple en redemande). Mais attention à l’incident diplomatique, cette marque déposée « Dolli gnou » appartient à notre « Gorgui national » qui n’aime pas qu’on marche sur ses plate-bandes.

C’est vrai que la France, pays « d’ouverture », ne peut accueillir toute la misère venue d’Afrique. C’est le message que Sarkozy a délivré hier à l’Ucad. Et puis, « le jour où tout le monde ira en France qui va développer le Sénégal ? ». La question ne manque pas de pertinence et surtout de piquant ou de mordant. Personne ne construira l’Afrique, encore moins le Sénégal, à la place de ses propres fils. C’est cette vérité que Sarkozy est venue asséner en faisant un long détour par la colonisation. Seulement, le président Français doit savoir que son pays n’est plus une destination privilégiée par les candidats à l’émigration. Ces derniers pensent plutôt à l’Espagne, l’Italie, aux Usa, à l’Australie, à la Chine. C’est avec ironie qu’ils parlent de ce « beau et hospitalier » pays qu’est la France que certains assimilent à "Sandaga", notre grand marché. Mais ne les prenez pas au sérieux. C’est de l’humour "polonais-français".

Quand je l’ai entendu parler aux étudiants, dans un amphithéâtre plein à craquer, j’ai pensé à ces missionnaires venus en Afrique "civiliser" nos arrières grands-parents. Il parle du paysan africain qui vit « avec les saisons ; dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fins des mêmes gestes et des mêmes paroles ». Et d’ajouter, parlant toujours du paysan africain : « jamais il ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer ».

Des clichés, encore des clichés, toujours des clichés. Quelle injure ! Le paysan africain serait-il dépourvu de raison au point de s’enfermer dans un mimétisme « bestial » ? Entre « l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fins des mêmes gestes et des mêmes paroles » du paysan africain, et l’ignorance ou l’inculture de l’élite européenne, la raison m’interdit de choisir.

Sarkozy, le monde a évolué et l’Afrique avec. Il suffit pour cela de faire un tour dans certains champs pour s’en convaincre. Le temps où les Africains habitaient sur les arbres (il semble que des européens continuent à le penser, quelle hérésie !) est révolu. Les singes ont disparu depuis que les immeubles ont remplacé les arbres. Encore la démesure ! Pitié.

En visite d'Etat au Sénégal : SARKOSY fait la leçon aux Africains
Pour une leçon inaugurale, Nicolas Sarkozy n’a pas eu droit hier, à l’Ucad II, à des ovations à la fin de son discours. Parce qu’une grande partie de son auditoire n’a pas du tout apprécié de le voir ainsi s’ériger en donneur de leçons.

La leçon dite inaugurale d’hier de Nicolas Sarkozy, si c’en est une, n’a pas eu l’effet escompté. Le propre d’une leçon est d’être retenue et assimilée.

Or, après le dernier mot prononcé dans son speech, le président français n’a pas eu droit au standing ovation qui sied en pareilles circonstances. C’est à peine si des étudiants, exacerbés, n’ont pas été tentés de le huer. La mine peu réjouie de nombre de personnes au sortir de la salle de l’Ucad II en dit, aussi, long sur la réception mitigée que le discours a eu auprès de l’assistance.

C’est que Sarkozy a vraiment pêché. Emporté par sa fougue caractéristique et ses vérités crues, l’hôte du Sénégal a fait plus dans le dénigrement qu’il n’a cherché à convaincre encore les sceptiques quant à ses capacités à changer le cours de l’histoire, en apportant une nouvelle orientation dans les relations entre son pays et le continent noir et que les Africains plus que les Français appellent de leur vœu. Hélas, le théoricien de ‘l’émigration choisie’ a donné raison à ceux qui doutaient qu’il venait chez nous, non pas pour échanger et voir ensemble comment rendre plus fécondes et dans un respect mutuel, les relations séculaires entre la France et l’Afrique, mais pour tenter de nous humilier. En fait, c’est ainsi que nombre d’universitaires et étudiants présents à l’Ucad ont perçu l’exercice auquel s’est livré hier l’hôte du président Wade.

Comment dans ce prestigieux temple du savoir où d’éminents intellectuels français ont contribué à former d’illustres fils du continent et qui font aujourd’hui la fierté de l’Afrique entière, Sarkozy a-t-il osé soutenir que nous portons en nous les germes de l’anti-développement, se sont demandés bien des membres de son auditoire. En fait, ainsi que l’ont souligné des universitaires présents dans l’amphithéâtre, le président de la République française ne connaît pas l’Afrique. Sinon, croient-ils savoir, il n’aurait pas considéré que, dans notre ‘univers où la nature commande tout’, nous restons, nous autres Africains, ‘immobiles au milieu d’un ordre immuable où tout est écrit d’avance’. Aberration ne pouvait être plus infâmante, à leurs yeux.

Pourtant, parmi les illustres personnes l’ayant accompagné dans son périple africain, il y a une Sénégalaise bon teint qui occupe un poste stratégique dans le gouvernement français, mais aussi reste au cœur de son dispositif politique. Ou faut-il finalement croire que Rama Yade n’est là que pour amuser la galerie, mais pas du fait d’une compétence avérée. Combien, en outre, sont-ils, ces Africains à se hisser au rang des meilleurs de ce monde ? Ou encore combien sont-ils ces jeunes génies natifs de l’Afrique qui n’ont pu assurer leur épanouissement intellectuel du fait d’un système éducatif imposé en contrepartie d’une aide étrangère ?

Sans vouloir faire l’apologie de la violence en Afrique, est-ce vraiment l’apanage du continent noir, ainsi qu’a semblé le soutenir Nicolas Sarkozy. A-t-il oublié les massacres de Serbie ? Sont-ce les Africains qui s’entretuent en Irlande du Nord ? N’y a-t-il pas d’autres foyers de tension en Europe ou ailleurs qu’en Afrique ?

Aguibou KANE

MON COMMENTAIRE : je vous laisse juger....

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