vendredi 17 août 2007

LE DIRE AVEC DES MOTS... SUITE

Le mercredi 08 août 2007, AIVI (Association Internationale des Victimes de l’Inceste) avait rendez-vous avec un membre du Cabinet du premier Ministre, François Fillon.

Madame Maryvonne Caillibotte, ex-procureur à Saint Brieuc (lire article Ouest-France), suite à la demande de M. François Fillon, s’est proposée elle-même de recevoir Isabelle Aubry, présidente d’Aivi, et Aude Fiévet. Dans sa fonction de Procureur, Mme Caillibotte a pu être confrontée à des cas d’inceste et de violences conjugales. Elle a également travaillé à la CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’infractions).

Lire également l’article paru dans le mensuel du Conseil Général des Côtes d’Armor de mai 2006 (numéro 43) à la fin de cet article.

Même s’il semble que, dans les plus hautes sphères de la politique, l’inceste reste un tabou sérieusement ancré, sauf quand il s’agit de rédiger un rapport… Il me semble important de préciser que Mme Callibotte n’est pas totalement contre l’introduction du mot inceste dans le pénal, mais que le projet doit être un projet tenu devant l’Assemblée. Ce qu’il est ressorti de ce rendez-vous n’est pas surprenant : le réfèrement à la hiérarchie et devant les institutions et les cabinets concernés est la démarche incontournable dans toute administration ou entreprise, d’ailleurs.

Mme Caillibotte reste consciente du besoin d’un rallongement de la prescription mais la proposition du développement du recours au civil appuie le fait de la réparation « monnayante » d’une victime, et non pénale… (mais certes plus évidente et moins pénible qu’une Cour d’Assises)

Nous savons pourtant bien, nous, victimes, que la reconnaissance de la culpabilité de notre agresseur est vitale dans notre rétablissement. Elle aide à notre propre « déculpabilisation ». Cependant, toute victime n’est peut-être pas apte à porter plainte au pénal et à se « produire » devant une Cour d’Assises. Il est donc quand même important de pouvoir avoir recours, et cela, dans un délai plus long, devant le civil.

Il semblerait que la campagne de prévention ne soit pas une priorité malgré les arguments avancés par Aude Fiévet d’une économie de coûts liés à l’inceste. Je ne savais pas que nous avions deux Don Quichotte en herbe… Certes, réorienter la politique et les crédits vers une plus grande prévention est un programme ambitieux, surtout pour un gouvernement qui reste essentiellement axé sur une politique de répression…

Donc, nous avons deux Don Quichotte en herbe (ben, ça y est, je vous ai collé une étiquette, zut !).

Je tiens à souligner que la politique n’est pas le fait d’une personne, et que, fort probablement, Mme Caillibotte suit des directives.

J’ai cependant une petite question à poser à Mme Callibotte (ou plutôt à sa hiérarchie…) : le fichage génétique est donc moins coûteux que la prévention de la maltraitance faite aux enfants ? N’est-ce pas tirer un trait sur une partie d’une population qui serait « forcément à risques » ? N’est-ce pas faire abstraction d’une population qui, forcément, va subir ? Mais je sais bien que Mme Caillibotte n’est pas à l’origine du FNAEG (fichier national automatisé des empreintes génétiques) !

Ce à quoi j’ai envie de répondre : même si une certaine « catégorie » de la population sera « amenée » à subir de telles violences, il vous (vous = gouvernement, assemblée…) incombe de donner les moyens aux personnels concernés pour un dépistage précoce des faits, d’où le besoin important d’une formation adéquate de ces personnels au contact de l’enfance. Le fichage de l’enfance a déjà commencé avec les nouveaux logiciels utilisés dans l’Education Nationale. Puisque de tels logiciels existent, et qu’il semblerait que ce soit irrémédiable (…), y est-il inclus un « parcours psychologique » ? Cependant, je préfère rappeler qu’un tel fichage me semble dangereux. C’est un terrain à aborder avec prudence. D’où l’importance de la prévention, la formation des professionnels de l’enfance, de la police, de la justice en général, et des acteurs du monde associatif.

Un deuxième rendez-vous est donc fixé au mois d’octobre après que Mme Caillibotte a consulté les différents ministères concernés. Nous resterons néanmoins grandement mobilisés sur les différents moyens à mettre en œuvre dans notre lutte, qui, rappelons-le, est une lutte « sans prescription » possible puisque vécue au quotidien, et cela, sans limite dans le temps et l’espace…

Isabelle Aubry tient à me préciser le côté positif de cette rencontre, que Mme Caillibotte était une femme très à l’écoute. Ce que me confirment les articles que j’ai lus sur elle et que vous trouverez juste après le compte rendu…

Chapeau, Mme Caillibotte ! Je voulais rappeler que c’est elle-même qui s’est proposée !!!

Voici une partie du compte rendu envoyé aux membres de l’association Aivi :

COMPTE RENDU ENTREVUE AVEC Mme CAILLIBOTTE CABINET DU PREMIER MINISTRE.
08/08/2007 à 15h00
13 rue Vaneau Paris 75007

Avant de nous recevoir Mme Caillibotte avait parlé à Mr François Guéant, donc après l'entretien que nous avons eu avec lui.

Isabelle Aubry lui expose la globalité du problème, plus large que les rapports avec la Justice, les nombreux ministres concernés, l'absence de connaissance du problème et les demandes d'information des professionnels sur le sujet, la nécessité de créer des formations validées par la recherche scientifique.

Enfin, elle lui expose sa demande d'une Grande Cause Nationale à l'instar des femmes battues.
Aude Fiévet expose quelques chiffres sur les coûts engendrés par l'inceste et les économies possibles grâce à la prévention.

Mme Caillibotte se renseigne sur l'exposition itinérante, et dit que la prévention coûte, que ce serait agir comme don Quichotte de vouloir réorienter la politique et les crédits. Elle avance que les collectivités territoriales sont plus riches que l'Etat.

Aude Fiévet introduit la nécessité d'inscrire l'inceste dans le Code Pénal en remarquant que la médiatisation, donc l'information de la population, est empêchée par l'absence du terme juridique dans les compte rendus de presse, et par les mythes qui circulent favorisés par le tabou.

Mme Caillibotte demande à Isabelle Aubry quels parlementaires avaient soutenu le projet Estrosi.

Puis change de sujet : les incestueux demandent ils de l'aide? Le travail avec les hommes incestueux est il le même qu'avec les hommes violents pour protéger leur femme? Les victimes souhaitent elles rencontrer leur agresseur?

Isabelle Aubry expose les travaux canadiens de justice réparatrice qui se font uniquement pour le rétablissement des victimes : elles voient des agresseurs, mais pas le leur et peuvent obtenir des réponses aux questions qu'elles se posent. Mme Caillibotte trouve le procédé intéressant et envisageable en France.

Isabelle Aubry insiste sur la nécessité de faire une campagne d'information, ce à quoi Mme Caillibotte répond: "oui, nous avons du travail à faire! C'est bien!"

Isabelle Aubry présentent les données concernant AIVI., va envoyer par mail les documents concernant la justice réparatrice, l'affaire du Vaucluse où le consentement d'un enfant de 11 ans a été retenu pour acquitter l'agresseur qui avait reconnu les viols, les références du livre de Mme Porchy , la maquette du livret d'accompagnement de l'exposition itinérante, la copie de la lettre AIVI à Mr Sarkozy.

En conclusion, Mme Caillibotte dit qu'elle veut traiter les choses sérieusement, voir si le texte pénal est porté par le gouvernement, mais ne peut se prononcer car c'est un travail interministériel : par exemple la grande cause nationale ne peut être décidée par elle-même seule. Elle doit connaître le positionnement des différents ministères.

Elle-même est consciente que les dégâts de l'inceste sont psychologiques et spécifiques, que la hiérarchie de gravité des faits imposée par la loi ne correspond pas aux dégâts (…).

Elle se soucie cependant de la prescription, et souhaiterait développer les recours au civil.

Elle souligne que des enquêtes ont lieu sur des faits prescrits, avec auditions des mis en causes, et que les données de l'instruction pénale arrêtée pour cause de prescription sont recherchées pour pouvoir servir à la victime dans une procédure civile éventuelle, car il y a souvent des aveux partiels.

Il est décidé qu'AIVI reprendra rendez-vous au mois d'Octobre, délai pour que Mme Caillibotte puisse se concerter avec les autres ministres et intervenants.
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La Justice à l’écoute

En préalable à toute décision, la justice, acteur essentiel de la protection de l’enfance, privilégie le dialogue avec l’enfant et sa famille.

Lorsque le dialogue, parfois long et toujours délicat, n’aboutit pas avec les intervenants sociaux, ou si la gravité de la situation le justifie, la Justice est là pour prendre le relais. “Il y a essentiellement deux grands cas de figure, explique Christophe Latil, juge des enfants à Saint-Brieuc. Soit nous sommes face à un mineur qui a commis un délit, soit

devant un jeune en réel danger, dont la situation est signalée au Procureur de la République par les acteurs de terrain : travailleurs sociaux des services départementaux ou municipaux, associations… Dans tous les cas, notre première préoccupation est d’analyser la situation familiale dans sa globalité et d’écouter les parents et l’enfant dans le plus grand respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes”. Le juge prend alors sa décision d’orienter l’enfant vers les services départementaux, ou de le confier au service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), service du ministère de la Justice chargé d’assurer le suivi judiciaire et éducatif des jeunes délinquants. Pour Jean-Pierre Valentin, directeur régional de la PJJ, “notre rôle est d’assurer, au-delà de la sanction, un travail éducatif et de prévention auprès de jeunes en grande souffrance, c’est notre mission première. Car si tous les jeunes en danger ne sont pas délinquants, tous les délinquants sont en danger”. Plus globalement, on voit bien ici la complémentarité du travail de l’institution judiciaire et du Conseil général. “Sur un même dossier, chacun intervient à sa place et à un moment différent. Pour notre part, nous orientons souvent des enfants vers les services départementaux ou les associations spécialisées. Je crois qu’aujourd’hui, notre priorité à tous – services de l’État et du Conseil général – est de décloisonner, de renforcer notre collaboration. C’est à ce prix que nous pourrons mieux anticiper et répondre aux besoins des enfants et des familles”, conclut Maryvonne Caillibotte, Procureur de la République.

Extrait du magazine du Conseil Général des Côtes d’Armor de mai 2006 (numéro 43)
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Article paru dans le journal Ouest-France concernant le départ de Mme Caillibotte de Saint Brieuc :

OUEST-France – Edition du 22 mai 2007

La procureure conseillère du Premier ministre

Elle est, depuis hier matin, l'une des 28 conseillers de François Fillon. Maryvonne Caillibotte quitte Saint-Brieuc avec émotion.

Un bouleversement. C'est ce terme qui lui vient spontanément à l'esprit à l'évocation des dernières heures passées entre Saint-Brieuc et Paris.

« C'est un arrêt brutal quand même. Depuis vendredi, je ne suis plus procureur de Saint-Brieuc. » Procureur, un métier qu'elle aime toujours autant, malgré l'excitation de la mission qui se profile. Elle y reviendra un jour : « C'est évident, assure-t-elle. Mais on l'exerce d'autant mieux qu'on est allé voir un peu ailleurs. »

Maryvonne Caillibotte, 42 ans, procureure de la République à Saint-Brieuc depuis février 2005, et originaire d'Erquy, vient d'être nommée conseillère du Premier ministre pour les questions de justice.

Elle avait, auparavant, été conseillère technique au cabinet de Pierre Méhaignerie lorsqu'il était Garde des Sceaux, puis chargée de communication auprès d'Yves Bot, alors procureur de Paris. C'est ce dernier, dont elle est restée très proche - et lui-même proche de Nicolas Sarkozy -, qui est à l'origine de la nomination de la magistrate costarmoricaine.

« J'aurais bien fait deux années de plus »

Lundi matin, à l'hôtel Matignon, elle a fait sa « rentrée des classes », comme tous les nouveaux : « Ici, c'est bourré de jeunes. J'espère que je pourrai apporter quelque chose. Revenir dans un cabinet ministériel, je ne courais pas après, mais je suis flattée qu'on ait pensé que je pouvais faire l'affaire. Ça va être assez sport. » Parmi 28 chargés de missions et conseillers (chacun correspondant à un ministère), Maryvonne Caillibotte aura « un rôle d'arbitrage entre les ministères quand ils ne sont pas d'accord. Et aussi d'impulser une politique sur les orientations du Président de la République ».

Elle aura des rapports « assez étroits » avec le ministère de la Justice. Connaît-elle la Garde des Sceaux Rachida Dati ? « Oui, elle est passionnante et passionnée. Brillante, avec de réelles qualités intellectuelles et d'adaptabilité. » Et François Fillon ? « Je ne le connaissais pas personnellement. »

Quel souvenir gardera-t-elle de son poste à Saint-Brieuc ? « Je pars le ventre serré. J'aurais bien fait deux années de plus. Je travaillais avec un président de tribunal que j'estimais beaucoup, avec une équipe extra. Des collègues de grande valeur. Ils ont toujours été réactifs. » Des histoires humaines, vécues au travers des procédures, l'ont aussi beaucoup marquée. Son adjoint Patrick Lewden assure l'intérim, en attendant la nomination d'un nouveau procureur.

Si le bouleversement professionnel est grand, la famille n'est pas en reste : « Pour moi, c'est capital. » Son mari, magistrat à la cour d'appel de Rennes, devra rejoindre Paris. Quant à son fils de 3 ans, il est très provisoirement en vacances chez ses grands-parents.

Marie-Claudine CHAUPITRE.

Ouest-France

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