samedi 5 janvier 2008

COMMENT CASSE-T-ON LE TRAVAIL ?

Étude réalisée en 2007 par Richard Abauzit, ancien inspecteur du travail

I / SUPPRIMER LE STATUT DE SALARIÉ

La nouvelle rédaction de la partie législative du code met en œuvre la directive Bolkestein et montre bien que l’alignement par le bas des conditions de travail des salariés européens passera sans doute autant par l’emploi de faux « travailleurs indépendants » que de salariés. Et déjà, en Belgique, des boîtes d’intérim proposent même des « travailleurs « indépendants » venus des pays de l’Est.

Les premiers visés, en application stricte de la directive, sont les journalistes et les VRP. Pour les journalistes actuellement, « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel… est présumée être un contrat de travail » et « cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties » ; cette présomption existe toujours pour les journalistes professionnels établis en France mais le nouveau texte dit le contraire pour les journalistes professionnels « reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant » et pour qui « la présomption de salariat ne s’applique pas » ; pour ceux-là donc, il suffira qu’ils se présentent comme indépendants, « prestataires de services » et ils ne seront plus considérés comme salariés.

II / DIVISER LES TRAVAILLEURS EN DIVISANT LES DROITS

Il existait un code du travail auquel, peu ou prou, avaient été rattachés les salariés agricoles ainsi que, pour nombre de dispositions, les salariés des transports ; pour certaines professions, des dispositions spécifiques y étaient incluses. L’ordonnance du 12/03/07 énumère les catégories de salariés pour qui le droit du travail sera inscrit dans un autre code, existant ou à créer : • les salariés agricoles (au sens de la loi, donc aussi bien les salariés des exploitations agricoles, des entreprises de travaux agricoles, les jardiniers et jardiniers-gardiens, les salariés des chambres d’agriculture, des syndicats agricoles, des mutuelles, coopératives et autre Crédit agricole) qui dépendront à nouveau du Code rural (retour à la loi de Vichy de 1941 qui a créé une inspection du travail spécifique) • les assistants maternels, assistants familiaux, éducateurs et aides familiaux qui dépendront du Code de l’action sociale et des familles • les mineurs qui dépendront du Code minier • les salariés des entreprises de transport qui dépendront d’un futur Code des transports • les salariés d’EDF et de GDF et de leurs concurrents qui dépendront d’un futur Code de l’énergie • les salariés de la Fonction publique qui auront bientôt leur Code de la Fonction publique • il faut y ajouter ceux dont l’ordonnance a fait disparaître du code du travail les dispositions qui leur sont applicables, à savoir les marins (qui seront renvoyés au Code du travail maritime), les dockers (qui seront renvoyés au Code des ports maritimes) et les enseignants non permanents des établissements d’enseignement supérieur privé pour lesquels les dispositions de leur contrat de travail relève désormais du Code de l’éducation (L 731-18)

► Quand on se souvient des différences entre les salariés agricoles et les autres (il a fallu attendre 1968 pour que le salaire minimum agricole, le SMAG, rejoigne le SMIG, salaire minimum commun ; 1974 pour que les 40heures de 1936 s’appliquent à l’agriculture ; 1976 pour les dispositions générales en matière d’hygiène et de sécurité…) et que l’on voit la dégradation des conditions de travail des chauffeurs routiers, des marins et des dockers avec l’alignement par le bas au niveau européen, on comprend l’intérêt de les inscrire dans des codes différents. Une première illustration : l’affichage des horaires de travail (heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée du repos et, en cas de modulation, le programme de celle-ci) ne s’applique plus aux salariés agricoles précisément en application de l’article 8 de l’ordonnance du 12/03/07.

III / DES CONTRATS DE TRAVAIL PLUS PRÉCAIRES

• Le contrat d’apprentissage qui figurait au début du code du travail dans la partie consacrée aux « conventions relatives au travail » avec le contrat de travail, les conventions collectives et le salaire est désormais, symboliquement pour l’instant, classé dans la partie « formation professionnelle ». L’ensemble des modifications législatives de l’ordonnance du 12/03/07 montre que l’on s’oriente vers un contrat qui, au minimum, n’aura plus les garanties du contrat de travail. Ainsi ont été supprimées dans le nouveau code toutes les références aux apprentis qui, dans l’ancien code, rappelaient que les dispositions applicables aux salariés et celles applicables aux jeunes travailleurs de moins de 18 ans leur sont applicables. Ainsi ont été abrogés ou non repris plusieurs articles rappelant que les apprentis sont des salariés titulaires d’un contrat de travail. Abrogé également l’article qui interdit de faire travailler, les jours de fête reconnus par la loi, les « apprentis » de moins de 18 ans.

A LIRE SUR : http://leruisseau.iguane.org/spip.php?article1275

Dans son intégralité :

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/messages_recus/CASSE_DU_CODE_DU_TRAVAIL_L_analyse_de_Richard_Abauzit.pdf

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